Effondrement de la biodiversité Outre-mer : “des solutions existent, mais elles sont insuffisamment mises en place”

Les populations de vertébrés ont chuté de 69% au cours des cinquante dernières années selon le WWF. Cet effondrement de la biodiversité concerne particulièrement les Outre-mer, qui concentrent à eux seuls 80% de la biodiversité française.



Tous les deux ans, le WWF fait un état des lieux de la biodiversité dans le monde. Et les résultats de l’enquête 2022 sont terrifiants : entre 1970 et 2018, les populations d’oiseaux, de poissons, de mammifères, d’amphibiens et de reptiles ont chuté de 69 %. Le phénomène s’accélère rapidement : il y a dix ans, en 2012, le déclin n’était “que” de 50% en comparaison aux années 1970. 

L’évolution de la biodiversité varie selon les régions du monde : -18% en Europe et en Asie centrale, -20% en Amérique du Nord, -55% en Asie et dans le Pacifique, -66% en Afrique et jusqu’à -94% en Amérique latine et dans les caraïbes. En France, l’effondrement des espèces concerne en premier lieu les Outre-mer, qui concentrent 80% de la biodiversité française.

Le dugong, un cousin du lamentin, est menacé de disparition en Nouvelle-Calédonie à cause de la pêche. En Guyane, l’orpaillage illégal intoxique les poissons d’eau douce. En Guadeloupe, l’urbanisation menace des espèces de chauve-souris ou d’escargot. Mais si certaines problématiques sont propres à chaque territoire, d’autres sont transversales.

Dugong

Dugong



©Matthieu Juncker

“On a d’un territoire à l’autre des problématiques qui peuvent être différentes, avec un point commun qui est la question climatique”, éclaire Laurent Kelle, le responsable du WWF en Guyane.

On a un fort enjeu autour des questions climatiques à l’échelle de l’ensemble des Outre-mer français. Après, ponctuellement, d’un territoire à l’autre, on peut avoir des enjeux très différents.

Laurent Kelle, responsable du WWF en Guyane.

Certaines espèces, comme les coraux, sont présentes dans la quasi-totalité des territoires ultramarins. “L’un des points communs, c’est la question des récifs coralliens. On sait que ces récifs sont des nurseries pour les poissons qui s’y reproduisent et s’y nourrissent, détaille Laurent Kelle. On sait que pour les récifs coralliens, la principale menace identifiée, c’est le changement climatique avec le réchauffement des eaux.”

Le milieu marin des Outre-mer abrite approximativement 10 % des récifs coralliens et lagons de la planète. Or, selon le rapport du WWF, environ 50 % des coraux d’eau chaude ont déjà disparu. Et ce n’est qu’un début : “un réchauffement de 1,5 °C entraînera une perte de 70 à 90 % des coraux d’eau chaude et un réchauffement de 2 °C entraînera une perte de plus de 99 %”, alerte le WWF. La planète s’est déjà réchauffée d’1,2° depuis l’ère industrielle.

“La chute est très rapide, trop rapide, reconnait Laurent Kelle. Par contre, il faut aussi souligner que des solutions existent et que, quand elles sont mises en place, elles montrent des résultats”. Certains exemples locaux montrent qu’une inversion de la tendance est possible.

En Guyane, la pêche illégale menace la tortue luth, dont la population a chuté de près de 95% en l’espace d’une génération. Mais les choses vont mieux pour sa cousine, la tortue olivâtre, pourtant menacée de disparition dans les années 2000. Depuis une dizaine d’années, des systèmes sélectifs, conçus pour éviter de piéger par mégarde les tortues, sont utilisés par les pêcheurs guyanais. Désormais, la population de tortue olivâtre en Guyane est “robuste”, indique Laurent Kelle.  

Les solutions existent. On sait ce qu’il faut faire, on sait comment il faut faire, il faut maintenant que ce soit concrétisé sur le terrain. 

Laurent Kelle, responsable du WWF Guyane.

S’il faut inclure les acteurs locaux dans la lutte pour préserver la biodiversité, les solutions sont aussi à chercher à l’international, puisqu’une inversion de la tendance ne sera possible qu’à un niveau mondial. Le responsable du WWF Guyane se méfie des conventions internationales, “utiles”, mais “qui ont montré leurs limites”, notamment parce que les engagements pris par les États ne sont que rarement mis en œuvre. Les Nations unies doivent élaborer un nouveau cadre mondial pour la biodiversité en décembre 2023. Il y a urgence : “c’est notre toute dernière chance”, averti le WWF.